On profite jusqu’au bout des douceurs de Vilcabamba avec un petit déjeuner chez Romain, un français installé ici depuis 20 ans (à l’époque où il n’y avait ni voiture, ni électricité : un aventurier !). Au menu, baguette beurrée et croissant…hmmmmm…

Il faut dire qu’il est difficile de trouver du bon pain pour accompagner nos salades quotidiennes tomates/avocats/oignons/thon : toujours brioché avec une pointe de sucre, il est souvent raci.

Nous partons donc le ventre plein et les jambes alertes après ces deux jours et demi de pause, sans savoir ce qui nous attend jusqu’à la frontière…Il nous faudra près de 3 jours particulièrement éprouvants pour l’atteindre.

Nous passons la majeure partie de la première journée sous une pluie battante comme nous n’en avons pas encore vu. Nous ne profitons que peu des paysages qui apparaissent époustouflants derrière les nuages, la tête plongée dans notre capuche pour affronter la pente (1.750 m de montée aujourd’hui).

Pour parfaire cette délicieuse journée : crevaison simultanée de nos deux roues avants dans la descente, 5 km avant l’arrivée (trop de freinages dans ces pentes si raides provoque l’échauffement de la jante et fait éclater la chambre à air), et ce soir, la chambre la plus miteuse qui soit (cafards à l’appui).

Le deuxième jour, à 60 km de la frontière environ, la route goudronnée cède la place à une piste rendue boueuse par les intempéries, et submergée en de nombreux endroits par les ruisseaux. Elle nous mènera, toujours humides (à l’intérieur comme à l’extérieur de nos vestes), jusqu’à Zumba.

Depuis hier, nous roulons dans la « cloud forest », cette forêt primaire d’altitude qui retient les nuages et provoque la pluie. La région est particulèrement sauvage. On se sent tout petits face à cette immensité verte exubérante, à rouler plusieurs dizaines de kilomètres sans croiser de village.

Troisième journée sans pluie. Nous poursuivons la traversée de cette jungle, loin de tout, dans des pentes encore plus raides qui nous obligent souvent à poser pied à terre. Il fait chaud et l’atmosphère devient de plus en plus moite à mesure que nous perdons de l’altitude. Nous suons à grosses gouttes.

Malgré les difficultés, nous apprécions ces moments qui nous donnent l’impression de gagner le Pérou par le chemin des contrebandiers.

Une dernière descente sur les freins jusqu’au Rio Canchis marque la fin de notre séjour équatorien, ce 31 juillet. Le passage de la frontière n’est ensuite qu’une formalité. Le garde péruvien est simplement parti déjeuner. On l’attendra pendant près de 2 heures !

Nous rejoignons enfin Namballe par une belle route goudronnée aux pentes dociles.

Côté Pérou, on semble vouloir faciliter la liaison. Côté Equateur en revanche, ces 60 km de mauvaises pistes parsemées de postes militaires ressemblent à autant de remparts contre un voisin belliqueux. Le conflit qui a opposé les deux pays pendant une cinquantaine d’années est encore frais dans les mémoires, et l’ouverture de cette frontière ne date que de 1998 !

L’ambiance nous apparaît déjà différente. Les motos-taxi, qui nous rappellent les tuk-tuk asiatiques, ont remplacé les pick-up, et les maisons en pisé, celles en béton. Les enfants nous lancent des « gringos » quasi systématiquement. Pas très agréable même si ce terme, non réservé aux américains, reste plutôt bienveillant.

On est curieux de découvrir ce pays pour lequel on prévoit deux mois et demi de traversée. Il faudra sans doute se ménager pour ne pas en sortir usés comme le racontent les quelques cyclos rencontrés jusqu’ici…